VACCINS : LA VÉRITÉ POUR ÉVITER UNE PÉNURIE
Le 18 janvier, le New York Times citait des experts reprochant aux autorités américaines d’avoir, en matière de mesures sanitaires depuis un an et plus récemment au sujet des vaccins, manqué de confiance dans le bon jugement des citoyens. Il faut, selon eux, révéler la réalité et ses enjeux, sans fard et en toute franchise. Qu’en est-il au Canada?
Ils arguaient que les vaccins constituaient un retentissant succès tant par leur efficacité que la période très courte qu’il aura fallu pour les développer. Pour cette raison, le problème de la vaccination n’est pas dans l’efficacité des différents vaccins, mais bien dans l’approvisionnement. Les géants de l’industrie pharmaceutique ne travaillent pas tant pour le bien commun que pour celui des actionnaires. Ottawa semble avoir tergiversé, assez mal manœuvré, créé des attentes plutôt basses avant d’admettre petit à petit, se berçant d’espoirs, que même les attentes basses n’étaient pas encore assez basses.
À preuve, le gouvernement canadien fait piètre figure lorsque The Economist publie une étude basée sur les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : les prétentions fédérales d’avoir vacciné les Canadiens en septembre 2021 sont irréalistes. L’étude suggère plutôt qu’il n’en sera ainsi qu’au milieu de 2022. Une différence de près d’un an.
Le rythme de réception des vaccins achetés sans garantie du moment de livraison par le Canada a de quoi nous inquiéter. À plusieurs reprises, on a annoncé des retards ou des reports de livraisons. Présentement, le Québec est pratiquement en rupture de stock avec moins de 10 000 doses en réserve et l’opération de vaccination est en suspens.
Menacés de pénurie, sur quelles données les gouvernements du Québec et des provinces, qui administrent les vaccins aux populations prioritaires parce qu’elles sont soit plus fragiles, soit plus exposées et facteur de propagation, doivent-ils se baser? Quelle est la fiabilité des affirmations de Justin Trudeau qui reporte à toujours plus loin un optimisme que rien ne semble justifier? Lorsque le Québec a fait le choix d’injecter toutes les doses disponibles et de n’administrer les secondes doses requises que lors des livraisons subséquentes, comme les É.-U. et plusieurs pays européens, le premier ministre Trudeau a dénoncé cette pratique. Savait-il déjà que la livraison de ce qui allait être les secondes doses était à ce point compromise?
Toutes les autorités sanitaires du monde ont bien sûr pris acte des délais et reports de livraisons admis par les pharmaceutiques. Certaines juridictions comptaient déjà assurer d’abord leur propre vaccination avant d’autoriser l’exportation de vaccins. Les États-Unis retiennent déjà les vaccins produits à Kalamazoo au Michigan par Pfizer. Le Royaume-Uni envisage une mesure similaire et quoi qu’en dise la présidente de l’Union européenne, plusieurs de ses membres désirent qu’une pratique semblable soit appliquée en Europe. Seule l’apparition éventuelle de nouveaux vaccins autorise un prudent optimisme.
Dans ce contexte, être producteur de vaccins présente un avantage crucial, à défaut d’être absolu. Israël n’est pas producteur et figure résolument dans le peloton de tête de la vaccination. On voit bien cependant que la stratégie du Canada, qui ne s’est donné ni capacité de production, ni droit de reproduction des vaccins développés nonobstant les brevets, ni garanties de livraisons, subit un approvisionnement ralenti qui compromet la santé et dans plusieurs cas la vie de ses propres citoyens.
Durant ce délai, le virus mute. Les virus mutants, aussi appelés variants, posent un défi aux vaccins existants qui voient leur efficacité menacée, certains s’en tirant mieux que d’autres. Évidemment, le rythme de mutation d’un virus étant très rapide, plus de temps il faudra avant d’avoir procédé à la vaccination, plus le virus sera largement propagé par le simple nombre de personnes infectées, plus ce virus connaîtra des mutations nombreuses et plus ou moins menaçantes en matière de propagation et de mortalité.
Alors que le Québec recommence à peine à faire fléchir le nombre de nouveau cas et de décès quotidiens, faire connaître de telles observations est nécessaire. Non seulement l’optimisme est-il malgré tout permis, mais la franchise est le seul moyen de susciter la confiance des gens. Chacun conviendra que l’adaptation à une pandémie sans précédent comme la COVID vient avec son lot d’échecs, d’erreurs, de corrections de parcours et de stratégies. Mais comment faire face à une menace de pénurie si on ne l’admet pas d’emblée? Comment le gouvernement canadien peut-il espérer être écouté des Québécois et des Canadiens si, de toute évidence, il ne leur dit pas toute la vérité? Garde-t-il volontairement les Québécois et les Canadiens dans l’ignorance de certaines informations ou se ment-il à lui-même?
L’envergure de la crise à laquelle le Québec et le Canada sont confrontés depuis bientôt un an est telle qu’elle devrait prendre le pas sur toute considération partisane, exclure d’en tirer des avantages financiers et ne pas devenir un instrument politique.
L’heure des bilans viendra. Dans l’intervalle, toutefois, il faut admettre la menace afin d’en prendre la juste mesure, et en collaboration avec le Québec, les provinces, la diplomatie internationale et les pharmaceutiques, trouver des solutions pour que la vaccination soit fortement accélérée au Canada comme dans les pays moins riches du monde. Si telle est la voie choisie, le Bloc Québécois offrira sa collaboration.